MISSION 2017
A HAÏTI
MISSION RÉALISÉE DU 01/10 AU 08/10/2017 PAR ISABELLE PECHART ET ANTOINE DIAZ
Cette formation, en partenariat avec L.AC.I.M (Les Amis d’un Coin de l’Inde et du Monde), s’est déroulée pendant la semaine du 1er au 8 octobre 2017 à Ennery, à l’est de Gonaïves, sur un complexe immobilier disposant d’une salle de conférence équipée et réunissant sur place les fonctions d’hôtellerie et de restauration offrant ainsi de bonnes conditions de travail.
Les objectifs de la mission :
- Construire son projet d’entreprise ou d’activité,
- Gérer son entreprise ou son activité,
- Utilisation d’un microcrédit à taux zéro.
Nous étions 3 intervenants pour encadrer cette formation ainsi qu’un photographe professionnel :
- Antoine DIAZ, Expert-comptable et Commissaire aux comptes,
- Isabelle PECHART, Expert-comptable et Commissaire aux comptes,
- Albert BOUDOT, ingénierie de la formation professionnelle,
- Jean Marc PECHART, photographe professionnel.
Cette semaine revêt un caractère particulier. Pour la première fois le nouveau gouvernement a publié son budget tant en dépenses qu’en recettes et annoncé de nouvelles mesures fiscales pour le consolider ce qui a provoqué des manifestations dans tout le pays avec occupation des voies publiques perturbant ainsi les déplacements.
Dans ce petit pays montagneux, les déplacements ne se calculent pas en km, mais en heures. Ainsi, deux personnes résidant dans la montagne au Nord de Beauséjour ont la veille marché 8 heures pour rejoindre Rivière Froide et en 4 étapes ont rejoint le village d’Ennery en mototaxi, soit environ 8 heures.
La Chine, comme en Afrique, a inondé Haïti de petites motos, ce qui a contribué à créer « des petits boulots » mototaxi qui à ce jour restent le seul moyen d’accès dans les zones montagneuses les plus reculées et le moyen de transport le plus usité.
Contexte :
Le Français est la langue officielle en Haïti. Cependant, la maternelle et le C.P. se font en créole et le français est enseigné progressivement jusqu’au collège ou tout se fait en français. Dans la mesure où ils pensent en créole la formation s’est déroulée en créole avec traduction par Yvon FAUSTIN notre correspondant Haïtien.
Dès le lundi après-midi nous avons procédé à l’accueil des participants ainsi qu’à la présentation de chacun avec 3 questions : vos activités, vos difficultés et vos attentes.
C’est la première fois que ces personnes se rencontraient. Elles se sont rendu compte qu’elles étaient confrontées à des difficultés de même nature. Elles ont échangé leurs adresses et ont émis le vœu de réunir les conditions pour se retrouver afin d’échanger sur leurs pratiques et les résultats obtenus.
E.C.S.F. a engagé un processus dynamique fondé sur une pédagogie appropriée : du global au particulier, du concret vers l’abstrait, du simple au complexe.
Ce processus est caractérisée par un apport conceptuel sur chaque sujet abordé suivi d’échanges comparatifs et de travaux en sous-groupe avec restitution par un membre de chaque sous-groupe.

Le microcrédit :
A Haïti, le secteur bancaire relève de l’épargne. Il n’a aucun impact sur le développement économique. Contracter un emprunt est exceptionnel, il n’excède pas 6 mois à des taux mensuels prohibitifs.
Le microcrédit fonctionne selon le même principe. Il en existe deux types : à caractère économique et les mutuelles à caractère économique et social (il inclut un prélèvement pour accident, décès ou longue maladie).
Tous les participants ont recours à cet outil, avec des situations et règlements d’attribution variables En général, la durée du prêt est de 6 mois à taux mensuel de 3,5 à 5,5 %. C’est-à-dire qu’à la date de remboursement, le taux double chaque mois sur le reste à rembourser.
Ces microcrédits permettent d’initier un petit commerce, un magasin communautaire, l’achat de semences, la construction de silos…
Au niveau mondial, le non remboursement s’élève à environ 5% du montant des prêts. Parmi les participants, la Présidente des Femmes Vaillantes de Beauséjour pratique le microcrédit depuis 8 ans avec 100% de remboursement.
E.C.S.F. leurs propose, à partir d’une convention, de procéder à une dotation initiale d’une durée d’un an à taux zéro.
L’amortissement :
L’agriculture tente d’amorcer une phase de mécanisation. Trop souvent l’acquisition d’un moulin, d’une moto à partir d’une subvention, n’est pas prise en compte en terme d’amortissement dans leurs budgets et lorsque le matériel est obsolète ils attendent une nouvelle subvention ce qui parfois demande plusieurs années.
Le plus surprenant c’est que deux personnes du groupe qui viennent de terminer leurs études universitaires à Port au Prince nous ont affirmé n’avoir jamais abordé ce sujet !
Prix de revient :
Ce sujet a donné lieu à de nombreux échanges et un travail important a été réalisé dans les sous-groupes.
Valorisation du bénévolat :
Ce fut pour eux très surprenant, personne n’avait imaginé que le bénévolat pouvait être valorisé.
Nous touchions à des différences culturelles. La connotation des mots est difficile à appréhender. Il fallut de nombreux exemples pour faire ressortir tout l’intérêt de cette notion, puisque les montants de ce bénévolat servent de contreparties budgétaires.
Justification des dépenses :
Ce fut le moment le plus intense. Après plusieurs explications, il y eu un flottement. Notre correspondant ayant assimilé le sens de cette exigences le formula en créole ce qui déclencha un immense fou-rire.
Pour comprendre cette réaction, il faut observer le commerce haïtien. Dans les villes, les rues, sur des kilomètres, rassemblent des petits commerces et vente au détail de produits de base importés de Chine pour la plupart. Tout le commerce de proximité se fait ainsi, sans prix affichés et tout se négocie ! Au-delà de l’aspect anecdotique, cette situation révèle « l’évaporation des crédits ».
Définitions des pièces comptables :
L’objectif consiste à harmoniser l’ensemble des documents budgétaires simplifiés et de doter chaque responsable d’un tableau de bord mensuel.
Bilan provisoire :
Nous avons posé « la première pierre » d’un processus de formation qui s’inscrit dans la durée. Le résultat attendu, c’est de fixer sur les territoires concernés des cadres intermédiaires indispensables à tout développement local et de les former, c’est très important, compte tenu que dans les zones montagneuses, 80% de la population adulte est analphabète.
Le résultat espéré c’est de les accompagner dans la maîtrise de ces outils afin :
- Qu’ils puissent présenter à LACIM ou ECSF ainsi qu’à d’autres partenaires, des projets rédigés et accompagnés des documents comptables qui ont fait l’objet de cette formation,
- Qu’ils ne se privent pas de ressources potentielles en engageant des démarches de recherche de financements auprès des ministères ou O.N.G. haïtiens
Objectif
Nous communiquerons par email pour ceux qui en disposent et notre correspondant C.E.F.O.R.S. qui a bénéficié de la formation se rendra sur place pour accompagner les comités haïtiens dans l’élaboration des documents. Enfin, nous envisageons, L.A.C.I.M. et E.C.S.F., de retourner à Haïti en 2018 afin d’évaluer les pratiques, de mesurer le chemin parcouru et d’approfondir cette formation.
Nos convictions :
Nous avons conscience que les difficultés rencontrées sont d’ordre culturel et économique. La proposition d’un microcrédit sur un an à taux zéro est en contradiction avec leurs pratiques qui, parfois relèvent de l’exploitation.
L’établissement d’un prix de revient, d’un devis, la rigueur de gestion qui nécessite un travail régulier dans l’établissement et le classement des pièces comptables, la volonté de justifier les dépenses apparaissent en contradiction avec les pratiques frauduleuses largement répandues.
Nous avons conscience que ce projet relève de l’utopie, mais nous nous appuyons sur deux convictions :
Un proverbe Chinois, plutôt que de donner un poisson mieux vaux donner la canne à pêche et former à son utilisation. Une citation d’un poète latin du premier siècle de notre ère Sénèque qui écrivait « ce n’est pas parce que c’est difficile qu’on n’ose pas, mais c’est parce qu’on n’ose pas que c’est difficile »